mardi 2 octobre 2012

L'embarras à Maman Tambouille

Voilà des années, des décennies mêmes que j’entends autour de moi rabâcher la sempiternelle règle « c’est la chose de quelqu’un pas à quelqu’un. Oui bien sûr on dit appartenir à quelqu’un mais c’est la préposition de que l’on utilise devant un nom ». Ce livre appartient à Pierre. C’est le livre de Pierre. J’en suis arrivé à reprendre moi-même systématiquement l’erreur chez les autres. C’est d’ailleurs un débat que nous avons régulièrement avec papa Tambouille, dont la position est la suivante : il veut pouvoir marquer une différence entre l’appartenance et l’origine. Le livre de Pierre, c’est celui qu’il a écrit, le livre à Pierre, c’est celui qu’il possède. Ca se défend, mais quand même, mon oreille est toujours choquée lorsque quelqu’un utilise à au lieu de de.
Et voilà qu’aujourd’hui mon monde grammatical s’écroule. Aîné Tambouille revient de l’école avec ces quelques lignes de lecture :
« Aujourd’hui c’est mercredi.
Agathe va à l’école.
Agathe est à l’école.
C’est l’école à Léonard.
Léonard est mon ami.
Léonard est à l’école aujourd’hui. »
Mais AAAHHHHHH ! c’est pas l’école à Léonard ! C’est l’école de Léonard ! Je veux bien admettre que les enfants n’aient pas encore appris à lire le mot « de », mais alors il ne fallait pas écrire cette phrase ! Toute une génération d’élèves innocents qui emploieront à à la place de de, à cause d’une simple ligne de lecture qu’ils auront eu en CP et qu’ils auront répété inlassablement pendant plusieurs jours… Je suis complètement chamboulée.

Bon du coup j’ai cherché la règle sur internet pour me rassurer parce que quand même elle a l’air de connaître son métier la maîtresse d’ainé Tambouille. Et j’ai d’abord trouvé des choses qui ont confirmé mon opinion sur le site http://grammaire.reverso.net/3_1_03_a_de.shtml
Les compléments d'appartenance sont introduits par de ou par à selon la nature du complément.
De avec les noms
Quand le complément est un nom ou un pronom, autre qu'un pronom personnel, la préposition est de.
Les affaires de Madeleine sont rangées.
Il faut tenir compte de l'avis de la secrétaire et de ceux qui la soutiennent.
On entend fréquemment la préposition à au lieu de de, sans doute par analogie avec la construction verbale (Les affaires sont à Madeleine). Cet emploi n'est pas admis par le meilleur usage et mieux vaut l'éviter dans un style soigné.
Le beau-frère de sa sœur est le père d'Antoine (et non le beau-frère à sa sœur est le père à Antoine).
À avec les pronoms
Quand le complément est un pronom personnel, on emploie à.
C'est une habitude à elle et vous ne la changerez pas.

Et puis j’ai continué mes recherches et je suis tombé sur des forums de discussion qui m’ont fait réfléchir http://www.achyra.org/francais/viewtopic.php?t=2970 :
Jusqu'au début du XXe siècle (le premier quart au moins) l'appartenance se marquait avec à : la maison à mon oncle, le sac à ma mère... Les guinguettes avaient des enseignes comme Le bal à Jo, Le bal à Jean... On en trouve encore trace dans des expressions modernes : la bande à Bader, le chienchien à sa mémère, et des mots composés comme un fils à papa, une bête à bon Dieu.
Puis la mode a changé, car c'est bien une question de mode, et il est devenu obligatoire de marquer l'appartenance avec de : le sac de ma mère, les cousins de Victor, etc.
Aujourd'hui donc, sauf dans ces expressions archaïques figées citées plus haut, vous devez utiliser de et lui seul.

On ne peut pas intrinsèquement considérer l'usage de à comme une faute. Nous dirons que c'est l'opinion répandue et incrustée dans l'esprit, tant on nous l'a rabâché, et que dans un texte de concours ou d'examen on vous compterait une faute, à cause de cette sorte d'idée reçue. Il serait plus juste de dire qu'il s'agit d'un archaïsme, qui est senti de nos jours comme un popularisme.

Bon alors qu’est-ce que je fais maintenant ? Je vais voir la maîtresse d’ainé Tambouille pour lui faire part de mon malaise ? Je garde précieusement ce cahier de devoir pour pouvoir le ressortir comme preuve si jamais un jour aîné Tambouille est sanctionné pour cette erreur ? Je laisse passer sans rien dire en espérant que personne n’aura rien remarqué et qu’aîné Tambouille saura utiliser la bonne préposition à force de me l’entendre rabâcher ? J’espère que la prochaine réforme de l’orthographe traitera de cet épineux sujet et admettra les 2 formulations ?

Je suis bien embarrassée.


Bonus quelques jours (semaines ?) plus tard :
La poésie qu'aîné Tambouille a du apprendre par la suite c'est :
A B C
Qui a vu passer ?
D E F
La tête à Joseph....

Si même les poètes s'y mettent....